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Cancer : quelle aventure... quand sert le cancer
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7 juillet 2012

Plouf, plouf, ce sera toi qui seras pris

 

Plouf-plouf-4Il y a la queue au guichet de chez Léon : pas de vacances en vue. Pas de plages de sable fin ni de mer turquoise où l’on se jette en toute fin d’après-midi pour se rafraichir et rendre les jambes plus légères ...

Nous sommes mercredi. 9 heures à ma montre et déjà toutes les chaises du hall sont occupées. Certaines mines sont reposées, légèrement maquillées, d'autres sont tristes et fatiguées. Un melting-pot de visages lissés ici par l’habitude ...

Chez Léon je vois que très rarement les malades avec un livre entre les mains. Tout au plus une revue datant de mathusalem ramassée sur une table, souvent feuilletée d'ailleurs par celui ou celle qui accompagne le malade. Moi-même je pourrais prévoir une lecture car je sais bien qu'il me faudra beaucoup de patience ... Mais en ces murs ma tête n'est jamais à autre chose que la maladie. Par ailleurs, ayant pris mes marques depuis longtemps, je préfère lier connaissance avec la personne qui se trouve près de moi. Aujourd'hui c'est une jeune femme qui me raconte son histoire. Un mélanome invisible à l'œil nu et qui s’est manifesté par un kyste sous le bras. Elle a combattue son tsunami seule avec sa fille de 12 ans puisque son compagnon a refusé la galère par un terrible " Je t'aime trop pour te voir souffrir ".

Vous dirais-je que ce n’est pas la première fois que j’entends cela ? Toujours d’un homme, jamais d’une femme. Mon JJ en devient encore plus précieux...

Six ans après, elle est toujours là malgré le pronostic pas très favorable du départ. Depuis elle est suivie régulièrement, passée à la loupe implacable du scanner. Pudiquement elle me parle de ses angoisses à chaque examen répété. Aujourd'hui un ovaire pas très joli a pointé le bout de son nez : Ne vous faite pas de souci, chez Léon ils vont lui couper rapidement le kiki. Belle pensée à vous, nous avons passé un joli moment...

Aujourd'hui ma commandante est en forme. En fait, la dernière entrevue a été plombée par les mauvaises nouvelles et elle n'avait pas, évidemment, arboré un sourire joyeux . C'est elle qui me parle de l’empathie qui s'installe entre les soignants et les patients lorsque j'évoque ma colère sur une infirmière affectée de me revoir à nouveau régulièrement dans les locaux du CLB !  -Exit pour l'instant le service douillet d'oncologie du Nord-Ouest, il n'est pas habilité à pratiquer certaines chimios-  Et s'il est vrai que certains résultats ne prêtent pas à sourire et que je déteste le mal qu'ils font sur mon entourage, je m’aime pas la chape de plombs qui s'installe- bien que je le comprenne- sur les épaules de chacun. D'un autre côté, je n'aime pas non plus lorsque l'on minimise mes problèmes. Mais comment mes proches et mes médecins doivent placer le curseur ? Je l’ignore.

Mais je veux m’accorder le droit d’être exigeante et sensible à la réaction des miens car il est beaucoup trop tôt pour moi de baisser les bras et j'ai terriblement besoin d'eux, de leur force, de leur disponibilité, de leur mental, de leur joie et aussi de leur compassion. Je m’en nourris jour après jour, encore et encore . Car voyez -vous, je suis telle la petite chèvre de Monsieur Seguin : impatiente, je gratte la terre pour que la porte de la liberté s'ouvre à la montagne que je vois au loin, si belle et si verdoyante ... Le soir n'est pas encore venu pour moi de me faire manger par le loup aux aguets. Que ce soit le plus tard possible ! Il sera alors bien assez tôt pour faire grise mine.

Donc, on se bat. Avec toute la conscience de ce qui nous arrive à mon JJ, à mes proches et à moi. On se bat pour contrôler le cancer et on se bat pour vivre au mieux. Dans ce combat, chaque personne et toute chose compte car si tout au début on aurait pu penser que l'ennemi serait effrayé par les traitements, on le sait bien maintenant que ce salopard n'a peur de rien.

Nous faisons donc le point avec le docteur Ray-Coquard. Mon protocole, une étude sur les effets positifs ou négatifs du Topotécan - C'est un médicament anticancéreux dont la commercialisation pour son emploi dans le traitement du cancer de l'ovaire, du poumon et du col de l'utérus est autorisée dans de nombreux pays européens- comparé au PM01183 - Une nouvelle molécule qui présenterait une activité anti tumorale et un profil de toxicité acceptable chez l'animal-.

En d’autres termes et comme le dit sans rire ma commandante : « Chez les souris, ça marche ».

Le PM01183 n'a pas d'autorisation de mise sur le marché et son efficacité est en cour d'évaluation. Deux groupes sont formés, le groupe A et le groupe B. L'attribution du groupe est tirée au sort par le laboratoire Pharma Mar et par ordinateur. En effet, ce n'est pas la sécurité sociale comme j'ai pu l'écrire précédemment qui fait la démarche mais c'est à sa demande.

Lire un protocole est une épreuve difficile et je fais part à ma commandante de la violence des termes utilisés : rien ne m'est épargné. Des statistiques pas vraiment rassurantes aux effets secondaires listés par ordre croissant d'inconvénients en passant par, je cite : la " Mesure de vos signes vitaux" ou pire encore: "Il se pourrait que le traitement induise des effets indésirables. Bon, ça je prends … et aucun bénéfice direct vis-à-vis de votre cancer. Bon, ça je laisse ... Sauf que là, nous ne sommes pas devant les étals d’un marché ensoleillé de Provence, on ne choisit pas la marchandise.

Elle-même est choquée. Elle me confie qu'aux États unis "Ils sont encore plus fous ! " Mais ce n'est pas pour moi une consolation.

Au détour de la conversation JJ lui parle de mon blog. Premier lecteur de mes écrits, c'est également le premier promoteur. Méfiante elle se recule pour prendre la distance nécessaire et lui demande : " Est-ce que ce sont les forums dont me parlent les patients ? On y trouve que des trucs affreux ???"

Injustement j'ai envie de lui crier : « Mais c'est aussi ça ma vie, des trucs affreux! » Mais mon JJ prend les devants et lui parle des recettes de cuisines, des relaxations, de mes récits. J’arrive à lui glisser que quelques personnes me contactent, que ça nous fait un bien fou d'échanger nos expériences. Que rien n'est obligatoire : on me lit ou on ne me lit pas, c'est tout. J'ai envie qu'elle comprenne que mon blog me permet de ne pas répéter à mes proches, en boucle, toujours la même chose. Que mes amis prennent de mes nouvelles par lui, qu’un petit coucou sur les commentaires me fait un plaisir fou et que lorsqu'ils m'appellent directement cela nous permet de parler d'autres choses que de la maladie. Je voudrais qu'elle sache, qu'à mon goût, je n'ai pas suffisamment accès à l’information, que j'aimerais lire le plus de renseignements possibles pour me permettre de faire les bons choix et que j'ai découvert que je ne suis pas la seule dans ce cas-là.  Qu'elle sente la curiosité qui est en moi. Curiosité qui me nourrit tout aussi bien qu'un bon repas. Je voudrais lui parler de mon erreur de penser que c'est l'ascite qui propage les tumeurs. Je viens seulement d'apprendre par le docteur Ovize, suite à une visite où je voulais rapidement une ponction tant l’idée même que mon ennemi se répande ainsi par ce liquide visqueux m’était insupportable, que l'ascite n'est qu’une réaction inflammatoire et qu'il faudrait - dans la mesure du possible - éviter de la ponctionner car elle serait sécrétée encore plus abondamment. Lui dire que depuis que je le sais, mon ventre gonflé me semble moins monstrueux et que je le supporte mieux.  

Et je la prends où l'information, moi, si on ne me dit rien ?

Mais ma Commandante est intuitive car soudain elle tend l'oreille. Elle nous explique qu'il faudra qu'elle se penche vraiment sur la problématique de la communication du cancer de l'ovaire. Dans un futur relativement proche, il y aura forcément des problèmes avec les politiques - éléments essentiels du rouage de la mise en place du soin et  surtout de l’attribution des budgets - sur lesquels seuls les Lobbying ont un réel impact : les médecins ne sont guère écoutés. Les patients peuvent constituer une force non négligeable de persuasion. Elle nous parle de l'influence du cancer du sein sur le grand public. Les patientes atteintes de ce cancer sont beaucoup plus nombreuses donc plus organisées que celles du cancer des ovaires - 4000 cas par an - La communication est bien plus large et qu’au-delà de la réalité statistique, " La perceptive de guérison " est plus largement diffusée. Un constat  que j’ai souvent remarqué dans la presse.

" On va d'abord s'occuper de vous. L'objectif est de trouver un traitement qui vous laisse un temps de repos et ensuite j'aurais besoin de vous."

En diagonale, elle a compris que la démarche essentielle de mon blog. Il me permet de disposer à l’envie d’un outil pour gérer au mieux toutes mes peurs et il devient au fil du temps un lieu de partage et d’échanges. Un liant essentiel à la vie. En une phrase, elle a fait rentrer encore un peu plus de soleil dans mon cœur.

Demain matin, 9 heures 15, je commence ma chimio. J'ai passé un délicieux dimanche avec Christine et Jean-Luc. En fin d'après-midi Ania est venu nous voir. Un dimanche ordinaire pour des amitiés extraordinaires.

J'ignore encore quel sera le choix de l'ordinateur. Ma commandante à une préférence pour le MP01183. Elle m'en a donné l'explication scientifique : je n’ai pas compris grand-chose si ce n'est qu'elle compte beaucoup sur la réponse tumorale du PM. Je ne sais pas quelle sera ma réaction face à l'annonce de ce choix qui ne dépend que d'un rouage informatique.

Je me souviens d'un jeu d'enfant : avec mes copines lorsqu'il s'agissait de désigner l'une d'entre nous pour une corvée quelconque, nous nous mettions en cercle et nous chantions : " Plouf, plouf. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, ce sera toi qui sera pris...

Rappelez-vous : lorsque qu'on ne voulait pas du choix imposé par un doigt presque accusateur, on pouvait continuer malicieusement la contine :" Et-comme-le-roi-et-la-reine-ne-le-veulent-pas-ça-sera-pas-toi."

Mais aujourd’hui il ne s’agit pas d’un jeu et l'innocence de l'enfance est bien loin.

 

 

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Commentaires
F
Bonsoir Ève et JJ , pas de nouvelles ... J'espère "bonnes nouvelles"🍀 et que tu vas bien supporter ton nouveau traitement Ève. Merci pour ton blog génial. À très bientôt j'espère. Françoise
I
Je viens enfin découvrir votre blog, LE blog, et tout d'abord BRAVO. Bravo pour l'aide apportée à nous tous, les victimes du crabe, Bravo pour votre force, Bravo pour votre écriture réconfortante...<br /> <br /> Merci de relater ici notre rencontre, si joliment et gentiment racontée. Oui, un joli moment, dans le mauvais il y a toujours du bon !!! Alors ca y est le protocole a commencé à couler dans vos veines ? Lequel donc ? Quel qu'il soit ce sera forcément le bon, il le faut !!! Et puis puisque l'on doit souffrir alors que ce soit bénéfique ! Non mais !!!<br /> <br /> La bougie de ce soir dans mon salon est spécialement pour vous Eve, et n'oubliez pas toutes les souffrances physiques une fois passées sont oubliées, derrière..... Je vous envoie tout plein de courage et hop hop hop les gentilles et bonnes cellules combattez vite cette saloperie de crabe, Eve vaut bien mieux que ça !!!!<br /> <br /> Amitiés, Bises, COURAGE,<br /> <br /> Isa (mélanome)
B
Le petit cochon pendu au plafond possède les œufs qui guérissent. Et je les veux tous pour te les offrir. Tout spécialement celui qui est phosphorescent. Et me voilà pendue au tirebouchon partout où je vais.<br /> <br /> Je t'embrasse très fort.
R
QUE TU VAS Y ARRIVER!
R
J'espère que "le roi et la reine" , le voudront bien pour toi, et que tu trouveras le bon traitement!!!<br /> <br /> C'est super qu'un medeçin te dise qu'enfin , dans un jour proche, on nous accordera à nous "le cancer de l'ovaire", l'écoute que nous sommes en droit d'attendre! Nous sommes tellement déminies face à ce cancer.<br /> <br /> Je te souhaite plein de courage, et, je suis certaine que tu y arriver!<br /> <br /> Je t'embrasse !!!!!
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