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Cancer : quelle aventure... quand sert le cancer
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10 novembre 2011

Je reprends les manettes - Partie II

the artisteA Léon Bérard lorsqu'on arrive dans une chambre pour une hospitalisation à but opératoire, un petit dépliant intitulé : "  Aller au bloc à pied  " vous y attend,  posé sur votre table de nuit. Après avoir sagement rangé mes affaires, je reçois successivement les infirmières pour les indispensables prises de sang et un médecin qui palpe mon ventre tout en traçant dessus au gros feutre noir une ligne qui part du sternum, contourne le nombril, pour finir en bas du ventre et du même coup délimite deux cercles de part et d'autre de cette ligne marquant ainsi l'emplacement des poches et des redons que l'on pourrait éventuellement me mettre en place ; je ressemble  à une maorie prête à je ne sais quelle prière incantatoire . J'aime beaucoup ce  tatouage éphémère, à la fois curieux et esthétique . J'espère ressentir la même chose pour ma cicatrice qui elle, pour le coup, sera définitive !
l'anesthésiste prend ensuite le relais.  Mon dossier n'est pas simple puisque la thrombose liée à l'infection de mon Pacc n'est pas tout à fait résorbée et  l'équipe médicale doit se concerter pour déterminer si l'anesthésie générale doit être soutenue par une péridurale qui soulagerait grandement mes douleurs post-opératoires. Après quelques palabres j'aurais droit à ce soulagement qui, je vais le découvrir plus tard, s'avère efficace mais bien trop court .
Dans l'instant il m'annonce tranquillement que je me rendrais demain vers 11 heures au bloc à pied. Mon regard glisse sur le dépliant de la table de nuit et je continue à l'écouter tout en commençant à redouter la suite; " Arrivée à l'étage des opérés une infirmière vous préparera et je viendrai vous chercher dans le sas d'entrée du bloc. Là je vous ferai une petite anesthésie locale  pour préparer la péridurale , ensuite nous vous appliquerons un masque à oxygène et ..."

Je l'interromps et lui raconte, encore sous le coup des mauvais souvenirs des urgences de Lyon-Sud, ma terrible expérience...l'interminable attente de l'anesthésie totale, emprisonnée que j'étais sous le masque transparent d'oxygène qui ne signifie pour moi qu'étouffements et malaises....il reprend la parole et m'explique pourquoi le masque est indispensable avant l'anesthésie générale : c'est tout simplement un capital de souffle, une réserve d'oxygène à utiliser pour permettre aux médecins d'agir en cas de gros problèmes : sans l'application du  masque ils ont 2 minutes , avec  ils en ont 10 ! Du coup le masque me parait plus tolérable : Craché juré ! c'est avec calme que je l'accepterai .
Je signe le papier que chacun connaît lors d'une opération : on prend tous les risques du monde et ils ne sont responsables de rien.....mouai...
je reste seule dans la chambre avec JJ qui déjà a mis le téléphone en route, réglé la télé et connecté mon petit ordinateur.
" Aller au bloc à pied  " me trotte dans la tête. Je décide de lire le prospectus :

Pourquoi aller au bloc à pied ? Mode d'emploi d'un patient ACTEUR


Être acteur, cela me plaît....je continue...

Pourquoi aller au bloc debout ? Afin de créer une EGALITE entre le patient et le soignant .                                                                                                 
L'égalité, c'est parfait.......

La seule question que je me pose est : en aurais-je la force ? Mes jambes ne vont-elles pas trembler????????? 
La nuit se passe. Au petit matin je me concentre sur mes exercices de relaxation et ma foi je ne m'en sort pas si mal que ça . un brancardier sans brancard vient me chercher.  Bien sûr que je tremble!  Mais je marche.
Je souris car je pense au mot : Acteur. Mon imagination fertile, je ne sais pourquoi, me fait penser à Sissi l'impératrice dont le triptyque télévisuel marqua l'enfance de milliers de petites filles de ma génération, et fit connaître la très belle Romy Schneider.

Je revoie  son visage juvénile et radieux, crevant l'énorme écran de notre salon.  Vaniteuse que je suis, je me projette dans sa joie de vivre, je cours dans les forêts de son enfance et revis son bonheur à la rencontre de son amoureux, Frantz; soudain mon sourire croit ressembler au sien. Sûr de moi, je me sens bien. Très vite je me retrouve assise près d'une femme, aseptisée de la même façon que moi : large chemise blanche ouverte dans le dos, charlotte sur la tête et pieds ensachés dans des chaussons en papier : nous sommes bien loin des somptueuses robes en taffetas broché de la cour autrichienne et accoutrées de la sorte nous ressemblons bien plus à de gros choux à la crème qu'à de belles princesses parées de mille feux ! Mais qu'importe.

Nous sommes dans le sas préopératoire. L'angoisse de ma voisine est si palpable que  je lui lance un petit bonjour. Elle me conte très vite son histoire, soulagée de trouver une oreille attentive, et je l'écoute dans un état second, encore sous le charme de Romy.......qui malheureusement s'estompe au fur et à mesure que les minutes passent. L'activité derrière la vitre floutée du sas est immense : j'entrevois des blouses blanches, des brancards ou je devine des corps immobiles, des portes se ferment, des portes s'ouvrent et enfin on vient me chercher. J'entre dans Ma salle d'opération, le personnel m'y accueille et m'explique pas à pas leurs gestes : " Là on vous met des électrodes pour surveiller votre coeur, là on vous installera un cathéter mais plus tard quand vous dormirez, vous allez vous installer assise sur la table le temps de faire votre péri, penchez-vous un peu...votre dos est nickel.... je vous pique....voilà, maintenant on vous installe le dispositif...."
Je garde mon calme mais commence à trouver le temps long.
Actrice moi je veux bien, mais jusqu'à quand ?
Je sens comme une douleur lancinante dans le dos. On cherche à m'introduire un " truc " mais on n'y arrive pas...une infirmière, celle qui me serre les bras et me permet de tenir la position assise et repliée sur moi-même, me rassure à peine : "on retente le coup " et j'entends " on n'arrive pas à contourner le tendon ", " ça résiste " ???

Mon visage se crispe et Romy me revient en tête. Son visage angélique emprunté à Sissi c'est transformé brutalement : je l'imagine maintenant dans la superbe scène de " l'Important c'est d'aimer ", où l'actrice qu'elle incarne n'arrive pas à dire " je t'aime " sur un tournage et sa détresse est emprisonnée par l'objectif d'un photographe...son visage est inondé de larmes...le mien aussi. Je commence à craquer .

Je ne veux plus être actrice, je ne trouve plus que c'est une bonne idée.

Puis j'entends : " pousses-toi je reprends la main ! " De nouveau une tentative et guidée cette fois-ci par une main experte, l'aiguille s'enfonce sans problème là où elle doit être. On m'allonge sur le dos, on m'applique le fameux masque et de nouveau je me concentre pour ne pas paniquer.
Clap de fin, l'actrice c'est enfin endormie pour redevenir sur la table d'opération une malade tout à fait ordinaire.
La suite vous la connaissez : je me réveille à 14h30...........
Plus tard l'anesthésiste vient me voir dans la chambre pour m'expliquer que comme mon dos était dans leur jargon " un beau dos " il avait pris sur lui de le confier à une débutante !

Ma contribution à cet épisode fût donc totale.

Rideau.

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