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Cancer : quelle aventure... quand sert le cancer
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24 février 2012

Le prix de l'excellence

diplomeJe vous le dis immédiatement, je n'ai jamais reçu le prix d'excellence à l'école. Pourtant, en classant des papiers j'ai retrouvé un bulletin scolaire, malheureusement sans date avec de très bonnes notes (????) Et une appréciation générale incroyable : " Mlle Portner s'intéresse à son travail. Esprit ouvert et intelligent. Travail satisfaisant"  N'en jetez plus, je ne suis ni fière ni contente, je suis S.I.D.E.R.E.E. Comment un bulletin scolaire aussi élogieux, datant très certainement du primaire,  a-t-il pu se transformer en un véritable calvaire à chaque fois que je le recevais à partir de la 6ème ? Manifestement  mon cerveau a vrillé, une distorsion importante s'est produite puisque mes notes catastrophiques ont poussé mes enseignants à me faire redoubler, me transformant ainsi en une élève peureuse du tableau noir, perdue par tant de savoir donné dont je ne savais que faire et de sur-quoi estampillée dyslexique patentée. Heureusement, quelques professeurs ont tenu le coup et m'ont transmis leur passion, la littérature et l'histoire. Toujours je me souviendrais du moment magique où ma prof de français, j'avais alors 16 ans, me fit découvrir Aragon à travers les chants de Jean Ferrat et un monde nouveau s’ouvrit à moi : celui de la poésie , du pouvoir des mots et de mon amour pour la chanson française : je ne faisais pas partie des clans divisés entre les Beatles et les Who, moi mes références musicales était Ferrat, Ferré, Nougaro, puis bien  tard, Michel berger, Véronique Sanson et France Gall – Ne vous y tromper pas, si vous avez la chance de trouver encore dans les bacs  sa compilation enregistrée aux États Unis avec Marcus Miller vous vous rendrez compte alors de sa musicalité et de sa voix exceptionnelle ! - Un prof d’histoire, lui, fut celui qui m’apprit à aller chercher l’information partout où elle se trouve. A l’époque dans les bibliothèques, les journaux  et les livres - Aujourd'hui j'ai gardé ce même automatisme enrichi de la fantastique mine d'informations qu'est Internet - J’approfondissais et classais avec lui les renseignements collectés, je compris à son contact qu’il ne fallait surtout pas s’en tenir qu'à un son de cloche, souvent partisan. En un an de cours je possédais un précieux enseignement, celui du libre arbitre. Mauvaise élève oui et pourtant l’école pour moi à fait son travail. C’est la raison pour laquelle jamais vous ne me verrez critiquer les enseignants, la plupart sont absolument formidables et j’ai pour eux un immense respect. - Un petit clin d’œil a Françoise : profites bien de ta retraite - Toutes mes leçons apprises par cœur avant de les comprendre ont construites l’adulte que je suis, des leçons d’histoire qui malheureusement ne servent pas beaucoup à nos dirigeants présents : tout est prétexte à opposer les gens différents entre eux sans se douter qu’une mèche ainsi allumée puisse amorcer  une vrai bombe !

Vers dix ans j'ai donc bifurqué ! Mon cerveau a ripé sur mes douleurs et zappé sur une réalité peut-être trop difficile à supporter et du coup je me suis sentie perdue. Agnès et mon JJ connaissent certaines de ces cicatrices mais je ne crois pas que celles-ci soit les seules explications, il va falloir que je creuse encore, encore et encore. J'ai dévié au point d'en oublier même les leçons de piano que j'ai eu régulièrement pendant des années, incapable de faire maintenant la moindre gamme, ni même de pianoter «  La lettre à Élise », incontournable morceau de Beethoven appris à tous les jeunes pianistes en herbe - Il y a à peine 2 jours j'en parlais à Kiki - Merci d'être aussi assidue à lire mon blog, j'en suis très touchée - Car chez moi, on apprenait  3 choses : le piano, le cheval et les échecs. La seule chose que j'aimais c'était les échecs, j'ai pu ainsi développer un esprit ou règnent la logique et la stratégie, ce qui m'a souvent servie dans ma vie professionnelle, là où j'ai renouée avec la réussite...

Alors quand le Docteur Ray-Coquard m'a serré la main à la fin de notre entretien en me disant : " Vous avez bien travaillé  ", je me suis sentie comme la première de la classe. La seule différence c’est que le prix, c’est à elle que je le donne. " Vous avez bien travaillé . " Cette phrase, venant d'une personne hautement « calibrée » à l'excellence me confirme que l'implication personnelle à se défendre contre le mal est tout aussi importante que la stratégie choisie en amont pour le choix de la chimiothérapie et il faut voir avec quelle attention " Ma commandante " analyse mes résultats, notamment sur son ordinateur où se trouve déjà l'imagerie de mon scanner. Elle voit ce que le médecin qui a pratiqué cet examen n'a pas vu – Un billet pas très sympa est en attente sur mon ordinateur expliquant ma journée de mardi - elle voit une amélioration très nette de mon épiploon - le péritoine -, elle découvre une tumeur diminuée, amoindrie et brusquement tente un coup de poker en me regardant : "Je vous trouve très bien, j'ai envie de vous faire une 9ème chimio ! " C’est presque une demande qu'elle me fait. Je sais que normalement on en pratique qu’ entre 6 et 8 : le corps affaiblit, ne supportant guère plus, y trouverait plus  d’inconvénients que d’améliorations concrètes. Mais le mien réagit au mieux, mes marqueurs sont descendus à 10… YES ! Mes globules, bien que malmenés n'ont jamais atteints les limites qui obligeraient mes soignants à traiter chimiquement mon sang par une sorte d'OPO, je n'ai plus l'enclume des débuts, je n'ai plus l'impression d'une lessiveuse me renversant la tête en arrière, plus trop de douleurs aux jambes, ni de fourmillements aux extrémités. J’ai presque réglé, en faisant tourner en bourrique mon JJ avec mes exigences de ravitaillement alimentaire, mes problèmes de digestion. Elle me regarde surprise et note avec intérêt que l’homéovox, un produit homéopathique, que je prends les 5 premiers jours de l’Avastin rend ma voix plus claire qu’au début. Seule la fatigue persiste, toujours présente mais mieux acceptée, mieux canalisée par différentes techniques que je suis en train de tester et quelques problèmes que je gère au mieux au fur et à mesure qu’ils apparaissent. Et pour en revenir à ma doctoresse, j'apprécie particulièrement sa capacité de s'adapter car elle sait mieux que quiconque qu'il y a autant de cancers  que de malades et c'est là toute la difficulté... Elle me dit " On ne sait pas comment l'organisme va réagir mais là je suis sûre qu’une 9ème cure ne peut qu’améliorer nos résultats." J’apprécie le « nos » qui nous met à égalité et son humilité empreinte malgré tout de hargne face à l’ennemi me convient.  Entourée de technologies, de statistiques et d'études diverses j'admire sa capacité à écouter encore son instinct, c'est pour moi l'apanache des grands ! Pourtant je m'étais habituée à l’idée qu'aujourd'hui fut ma dernière cure mais qu'importe, j'aime l'idée de saper encore plus le moral de mon adversaire et moi dans ma tête je l'imagine un pied à terre, agonisant, manquant d’air et assoiffé de sang que nous lui refusons, aidées que nous sommes par l’Avastin qui doit lui couper toutes formes de velléités. Pour la première fois j’entrevois peut-être une amélioration réelle. Et ça me fait du bien.

Cependant l’incorrigible – C’est moi - lui demande : " Et la suite, quelles sont les évolutions possible ? » Ma question tend les traits de son visage, son regard d’expert aiguisé comme un couteau se charge d’inquiétude que je qualifie immédiatement d’inquiétude « positive ». Pas de celle qui embarrasse le cerveau, mais de celle qui lui permettra de trouver la solution qui convienne. S’il y a à une, bien-sûr ! Elle comprend que je peux entendre ce qu’elle va me dire. J’essaye ici de retranscrire au mieux ce que j’ai compris, mon esprit en alerte est encombré d’une fatigue nerveuse. Il ne tient pas le choc quand je le soumets à de longs entretiens. " Il y en a trois  " me dit-elle. " 1) Le cancer ne se réveille pas à l'arrêt du Carboplatine et du Taxol et l'Avastin prend correctement le relais. On a stoppé l'évolution, les cellules sont comme « étouffées », « écrasées. » 2) Les cellules redeviennent actives à l'arrêt de la chimio et l'Avastin, qui devient alors une mono thérapie, ne marche pas. 3) L’Avastin fonctionne très bien pendant les 20 mois du Protocole  mais les cellules cancéreuses, pas assez cramées, se réveilleront alors." Ces réponses me font toucher du doigt ce que j'ai déjà compris : il se peut très bien que le cancer largement essaimé devienne une maladie en dormance, telle que « La belle » du conte si populaire des frères Grimm ou de Perrault selon la version ... Il faudra alors le traiter en permanence, un peu comme une maladie chronique, avec ses hauts et ses bas. Si l’on s’en tient au sommeil de la belle au bois dormant, 100 ans moi cela me convient.

Après tout ce conte-là, je peux très bien le réécrire à ma façon : transformer la belle au bois dormant en «  moche au bois dormant », et veiller à ce que la fée Carabosse ne sorte pas de derrière les fagots, cette pomme si rouge et si brillante qui ne demande qu’à être croquée puisque personne ne se doute qu’ une telle joliesse puisse être porteuse de poison tueur.

Vous tous mes proches avec mon armée blanche, mes médecins, mes infirmières du jour et du soir, vous formez un rempart remarquable contre lequel mon envahisseur butte de jour en jour et de plus en plus. Avec une énorme cerise sur la gâteau ce week-end, mon petit Basile vient me rendre visite...

Merci à vous tous.

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